Bon, je vais essayer de faire une petite chronique personnelle sur chaque album, qui ne représentera évidemment que mon avis et mes goûts
1992 : après de longs mois passés à répéter dans la cuisine de Peter, à enregistrer des maquettes sur un magnétophone 4 pistes et à donner des concerts dans de sombres clubs gay berlinois devant une poignée de spectateurs souvent indifférents, AnNa et Peter ont enfin rencontré un producteur qui mise sur eux et leur offre leur premier album sur un petit label. "Coup d'essai, coup de maître", j'aurais presque envie de dire. On retrouve ici tous les ingrédients qui forgeront l'identité du groupe dans les années suivantes : chansons déjantées et décalées, ballades poignantes, provocation et sensualité, rires et larmes.
La chanson "Schlampenfieber" est un programme à elle seule : AnNa s'y présente, derrière l'ironie, comme une femme libre et forte, qui drague ouvertement et ne se laisse pas marcher sur les pieds, qui prend sa vie en main.
Elle pose sur cet album les bases de son image de
Schlampe (salope), qu'elle développera pendant toute la décennie à venir dans une démarche gentiment provocatrice. La
Schlampe drague, fait la fête (Schlampenfieber) et pète les plombs (Klaus-Trophobie), quitte les hommes qu'elle drague (Wenn Du aufwachst) et pleure sans avoir peur de mettre à nu ses émotions (Ich geh auf Glas). Un vrai grand-huit des sentiments.
Musicalement, l'album est à la fois hétérogène et très cohérent, comme tous ceux qui suivront. Parodie de musique d'opéra (Soubrette werd'ich nie, qui raconte l'histoire d'une prof de chant lyrique un peu trop "proche" de ses élèves), ballades piano-voix déchirantes et envolées lyriques (Wenn Du aufwachst, Ich geh auf Glas, Süchtig), chansons guillerettes aux rythmes légers (Ich geh jetzt aus) : là aussi, c'est le grand-huit. Les orchestrations sonnent parfois un peu "cheap", parfois très marquées par les sons synthétiques et les boîtes à rythmes, mais l'ensemble de l'album dégage déjà une impression très prometteuse. Ce qui est sûr, c'est que la musique de Peter Plate ne fait pas dans la sobriété ; tout est dans les extrêmes, dans l'exubérance et la grandiloquence, le kitsch assumé. On vogue allègrement entre la variété, le cabaret (Erwarten se nix) et la pop, le tout sous l'influence de la musique classique et de la disco, du
Schlager allemand et de la musique médiévale (Süchtig, Stolz der Rose). Cela vaudra à cet album de passer complètement inaperçu à sa sortie.
Les concerts se poursuivent dans des minuscules salles et Rosenstolz se fait tout doucement connaître du public gay et lesbien berlinois. En revanche, leur image kitsch et décalée leur vaut une ignorance quasi-complète des médias.
15 ans plus tard, Schlampenfieber est devenu un incontournable des concerts, joué à chaque tournée dans une version différente. La chanson culte "Soubrette werd ich nie" a été "ressuscitée" pour la première fois depuis environ 10 ans lors de la tournée 2007, au plus grand bonheur des fans de la première heure. AnNa a ainsi pu prouver qu'elle n'avait rien perdu de sa formation de chanteuse classique. "Ich geh auf Glas" fait aussi partie des grands classiques du duo.
Une édition anniversaire de cet album désormais culte est parue en novembre 2007, agrémentée d'un CD bonus de maquettes enregistrées en 1991-92 dans la cuisine de Peter et d'un DVD qui reprend les toutes premières apparitions télévisées du groupe. Où l'on se rend compte que le chemin parcouru est énorme...