Avec "Nur einmal noch", AnNa et Peter creusent encore le sillon qu'ils ont ouvert avec "Soubrette werd' ich nie" et signent leur album le plus "extrême" en matière de pathos, de kitsch, d'exubérance et de "grand écart" des sentiments.
La chanson titre ouvre le bal et s'impose comme un véritable hymne au refrain entêtant, toujours repris en chœur par le public près de 15 ans plus tard. Un classique.
Vient ensuite "Kuss der Diebe", une chanson particulièrement chère au cœur de tous les fans du duo. Superbe ballade poignante sur un amour clandestin entre deux personnes qui s'aiment parce que personne d'autre ne veut d'elles... orchestration soignée et puissante, une voix fascinante, c'est LA ballade par excellence.
Autre chanson culte, "Die Zigarette danach" est le premier "tube" interprété par Peter, qui prendra plus ou moins l'habitude chanter une chanson sur chaque album. Peter n'est pas un chanteur et "parle" plus qu'il ne chante, mais cela ne fait qu'ajouter au sentiment de spontanéité et d'authenticité de ses chansons. Il décrit ici le moment crucial et délicat où la relation d'une nuit va peut-être se transformer en histoire d'amour... mais seulement "peut-être". Texte sensible et musique évocatrice tout en retenue, "Die Zigarette danach" fait partie des incontournables des concerts de Rosenstolz (pendant ce temps, AnNa en profite pour changer de tenue), et Peter y joue un rituel qui se perpétue d'année en année (demander une cigarette dans le public, enlever son t-shirt, laisser traîner le "suspense" à la fin de la chanson... l'autre va-t-il dire "oui", "peut-être" ou "adieu"?).
L'album alterne ensuite les morceaux déjantés et exubérants (Nymphoman, Greta, Die Dame von der Akademie, Cocktailparty) sur lesquels AnNa fait montre de l'étendue et de la puissance de sa voix, chantant des histoires de sexe, de soirées mondaines ou d'actrices prétentieuses, avec des ballades gonflées à bloc de sentiments débordants et de piano, de chœurs et de mélancolie. J'ai un gros faible pour "Kleiner Prinz" ou Blumenkind, tandis que "Strahlende Nächte" ou "Lebend erwacht" me laissent plutôt indifférent.
Autre joyau à mes yeux, "Viel zu kalt (Februar)" vient poursuivre la tradition des "chansons des mois" commencée sur l'album précédent avec "Wenn die Mona Lisa weint (Januar)" et qui se terminera 10 ans plus tard sur l'album "Herz" avec "Augenblick (Dezember)". À chaque mois de l'année correspond ainsi une chanson, généralement une ballade.
"Viel zu kalt" parle du manque de l'autre, l'autre qui est parti et n'a laissé qu'un froid glacial derrière lui. Musicalement, la sensation de froid s'empare littéralement de l'auditeur, renforcée par la sobriété de l'orchestration avec ses basses grondantes et les glissements stridents des cordes, la voix d'AnNa qui semble résonner dans le vide et lui crie de revenir. Bouleversant.
Et on finit l'album sur des notes plus légères, dans un grand pied de nez.
"Nur einmal noch" est donc encore un album essentiel de Rosenstolz, dont sortiront quelques-uns de leurs plus grands classiques (Nur einmal noch, Die Zigarette danach, Kuss der Diebe, Nymphoman). C'est peut-être celui où le style délibérément kitsch de leurs débuts est le plus marqué, ce qui rend l'album quelque peu indigeste aux oreilles non averties. C'est du 100 % pur sucre, c'est la valse entre les rires gras et les torrents de larme, c'est l'impudeur incarnée et c'est terriblement frais, vivant et sincère.